Mohammed Khaïr Eddine

Getting your Trinity Audio player ready...

Lettre d’amour aux anges 

qui n’écoutent pas 

I
C’est du fond de l’hibiscus portant le monde sur
ses doigts
et nu jusqu’à la taille, l’arc tendu vers ta voix ;

c’est du fond de l’espace enfermé dans mes yeux,
sans papillon, sans rose, embué par tes yeux…
Ah ! c’est du fond d’un ciel crépusculaire

(Lamentable, couché sur un banc de cérastes,
les dents rongées d’années-lumière) ;
c’est du fond des miroirs brisés que je te vois

naître en émulsion rouge et verte à travers
ce sahara fébrile …
Ici le bombyx fait éclater ses fils

II
Ni la datte mûre, Soleil, c’est toi qui nargues
cette mer… ni le lait rance qui nous consume …
et ni la cavalcade qui détone sous tes nerfs,
cheval hennissant du sourire des quasars…
rien, ici, qui retienne à mes abots
tes doigts très purs, tes doigts irréparables !

Chemins jouxtant le Temps tracé
dans nos opprobres. Hommes courbés sortant
d’eux-mêmes… Je t’invite
au festin de leur charogne.
Apporte le thym, la soldanelle ! Apporte
ton rire…

À minuit sur mon crâne, tes rameaux rouges et noirs
et des poux ! Des poux d’ancêtres ricaneurs…

À minuit, la flûte, le fusil et la flèche
et la colère et le silence et le gong sourd
tapissant ma mémoire de multiples viols.

Corps absent, ruineur des corps qui brisent
sous tes orteils les peuples sanguinaires…
tisonnant dans ton œil un monde germant
sous le poids du désir, sous le poids des canopes,
toi qui ne ris et ne pleures et ne frappes.

Désert sur mon visage écaillé, ride aiguë
de mon âme sur le dos hersé des mers…
Soubresaut retenu par le fil de l’épeire…
J’avance dans la verve d’un cimetière,
orpailleur des ténèbres, maître des lunes frappées
à mort.

Originalement publié in Dérives 31-32, Voix maghrébines (Montréal, 1982), p. 34-35

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dernier message