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Daniel J. Crowley
Obituaries: Suzanne Comhaire-Sylvain (1898-1975)
Suzanne Comhaire-Sylvain est née à Port-au-Prince, en Haïti, le 6 novembre 1898. Elle est l’une des sept enfants de Georges Sylvain, poète et intellectuel de renom qui a sacrifié sa fortune pour résister à l’occupation américaine, comme son frère Benito avait combattu les Italiens en Éthiopie en 1896.
Après avoir passé quatre ans (1910-1914) dans des écoles privées françaises alors que son père était ambassadeur d’Haïti à Paris, Suzanne est retournée en Haïti où elle est devenue la première femme dactylographe-sténographe de son pays, au grand dam de sa famille. Après leur ruine financière, ses économies de bureau lui ont permis de retourner à Paris en 1931, où elle a obtenu son baccalauréat à la Sorbonne et a rencontré et épousé l’éminent anthropologue belge Jean Comhaire.
En 1937, elle est devenue la première femme haïtienne Docteur de l’Université de Paris avec sa thèse tripartite, le Creole Haitien : Morphologie et Syntaxe (Port-au-Prince et Wetteren, Belgique : De Meester, 1936), une étude pionnière sur l’isolement des éléments africains dans la grammaire créole, et l’ouvrage en deux volumes, le les Contes Haitiens (Ire Partie : Maman d’l’Eau et Ile Partie : Conjoint Animal ou Démon Deguisé, Origine immédiate et extension en Amérique, Afrique et Europe occidentale. Port-au-Prince et Wetteren, Belgique : De Meester, 1937), un brillant chef d’oeuvre d’études caribéennes qui analyse deux contes dans toutes leurs variations géographiques et thématiques.

Peu lue et moins appréciée, cette double monographie est sans conteste l’étude définitive des types 312C, 403, 452, 480, d’autant plus importante qu’elle s’inscrit dans une perspective caribéenne et non européenne. N’ayant vu qu’un seul exemplaire de ce livre « rare » en un quart de siècle de recherches, j’ai été stupéfait de le trouver encore imprimé et en vente dans une librairie de Port-au-Prince en 1972. D’autres contes ont été publiés ultérieurement dans Contes du Pays d’ Haïti (Port-au-Prince, 1938) et dans « Creole Tales from Haiti »(Journal of American Folklore, 50 [1937], 207-295, et 51 [1938] 220-346).
De retour en Haïti en 1937-41 après un travail post-doctoral à Oxford, Suzanne est nommée superviseur des écoles et fonde l’Ecole des Lettres. Poussés par Malinowski à documenter les changements sociaux apportés par l’accès routier au village de montagne de Kenscoff, les Comhaires ont finalement réalisé l’importance du conservatisme presque désespéré de la population locale qui s’accroche à ses coutumes. Publiée en dix articles dispersés, cette étude majeure sur les valeurs et le changement social dans les Caraïbes n’a jamais trouvé d’éditeur.
Son exposé “Ce que font nos fillettes en dehors des heures de classe” (Port-au-Prince, La Voix des Femmes, 1940 et 1941) a donné lieu à une enquête dans les écoles primaires de Port-au-Prince. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Suzanne rejoint Jacques Maritain, un autre catholique, qui enseigne à l’Ecole des Hautes Etudes de New York. Après avoir travaillé sur le terrain dans ce qui était alors le Congo belge et avoir poursuivi ses études postdoctorales à Oxford, Mme. Comhaire-Sylvain a servi de 1949 à 1958 en tant qu’administrateur des Nations unies pour le Togo et les Camerounais et a publié Food and Leisure Among the African Youth of Leopoldville (Congo belge ) (communication n° 25, School of African Studies, University of Cape Town, 1950), “Voodoo” (le vaudou) et “Voodoo” (le culte de la terre).
Daniel J. Crowley, “Obituaries : Suzanne Comhaire-Sylvain (1898-1975)”, The Journal of American Folklore, vol. 91, no. 360 (1978) : 700-701.
Bonne lecture !
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