In memoriam : Józef Kwaterko (1950-2023)

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Suite à notre « In Memoriam à Józef Kwaterko », nous avons reçu de notre collègue et ami, Peter Klaus, professeur émérite de l’Université libre de Berlin (Freie Universität Berlin), un mail nous remerciant pour cet hommage accompagné d’un émouvant commentaire sur la vie et l’œuvre du professeur Kwaterko que nous publions infra. JJ 




Peter Klaus 

Un excellent ami, un infatigable chercheur et un grand spécialiste des études francophones, principalement québécoises et haïtiennes, nous a quittés brusquement.

Józef Kwaterko avait plus d’une flèche à son arc et il avait encore beaucoup de projets, entre autres avec Haïti qui était devenue un de ses champs de travail ces dernières années.

Un autre trait marquant : aussi bien sa thèse de doctorat que sa thèse d’habilitation portent sur la littérature québécoise, et les deux livres ont été publiés en français à Québec chez Nota bene éditeur. Les deux publications portent en elles déjà les germes de ses préoccupations de chercheur et d’enseignant : la théorie du discours et l’hybridité des textes francophones, surtout en littérature québécoise. Il aura été un observateur très attentif quant à l’évolution des lettres québécoises et leur « internationalisation » au fil des ans, ayant travaillé beaucoup sur les soi-disant « écritures migrantes ». Il a ainsi pu contribuer par la suite à orienter les travaux de nombreux doctorants et autres chercheurs vers ce domaine de spécialisation. 

Pour lui, le Québec aura été une terre d’accueil (au sens propre du mot), où il s’est fait de nombreux amis, et un laboratoire vivant, lui qui savait créer des réseaux et les faire fructifier.

Lorsqu’on feuillette les Mélanges offerts à Józef Kwaterko, publiés en 2020 sous le titre Déchiffrer l’Amérique, on développe une idée de l’univers dans lequel Józef Kwaterko évoluait. Ses innombrables publications, ses activités d’enseignant en Pologne et à l’étranger (surtout en France et au Québec), les thèses de maîtrise et de doctorat qu’il avait dirigées : un vaste domaine. 

Au fil des ans il a tissé un réseau de chercheurs, collègues et amis impressionnants par-delà les frontières et il a contribué à ce que l’Association des études francophones d’Europe Centre-Orientale (AEFECO), fondée en 1992 à Pècs (Hongrie) ait pu s’enraciner aussi bien en Pologne qu’ailleurs, ainsi que l’AEEF (Association Européenne d’Études Francophones) qui a pris la relève depuis 2002.

Józef était tout fier et il avait tout à fait raison de l’être, lorsqu’il a mentionné le fait d’avoir réussi à obtenir des bourses d’études destinées à des étudiants d’Haïti qui par la suite sont venus faire des études en Pologne. C’était sa façon de se montrer redevable à un pays en détresse après le séisme de 2010, un pays qui en 2004 a obtenu son indépendance grâce aussi aux quelques centaines de soldats polonais de l’armée française qui ont changé de camps et qui se sont par la suite installés en Haïti. 

Józef l’ami aura été pour beaucoup d’entre nous quelqu’un d’exigeant et de généreux en même temps. L’auteur de ces lignes sait de quoi il parle ayant connu Józef depuis 1990.

Józef, très attachant comme personne, très rigoureux comme professeur et chercheur, aura laissé des traces indélébiles de son passage.

L’ayant accueilli plusieurs fois à Berlin où il a pu peaufiner sa thèse d’habilitation grâce à une bourse obtenue par la Freie Universität et son Institut d’Études Nord-Américaines, nos discussions ont également porté sur les rapports Pologne-Allemagne, l’époque nazie et la Shoa. Accueilli à Varsovie par Józef, il a programmé une visite du théâtre yiddish de Varsovie de même qu’une balade par les endroits évoquant l’anéantissements des Juifs de Pologne, lui le Juif accueillant un Allemand. Émouvant !

Repose en paix, cher Józef !


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